Avant toute chose, mes vidéos ne seront qu’un résumé de ce que vous pourrez trouver dans le livre, donc, si mes vidéos vous plaisent et vous intéressent, je vous conseille de lire le livre et de vous en faire votre propre avis. La deuxième chose, c’est que les méthodes d’écriture qui prônent de faire des plans ou des structures particulières sont controversées. Certains de les aiment pas et pensent que cela engendre une multitude d’histoires qui se ressemblent toutes, d’autres pensent qu’elles sont essentielles pour écrire un roman solide. Pour le coup, c’est votre propre avis et je le respecte totalement. J’ai décidé de faire cette série de vidéo sur le roman de John Truby parce que je le trouvais intéressant, ce n’est pas une bible à suivre à la lettre si vous n’en avais pas envie.

Bref, après cette simple introduction qui visait simplement à rappeler qu’on a tous une manière d’écrire différente, nous pouvons commencer avec l’Anatomie du Scénario. Pour vous donner un peu de contexte, John Truby est un américain qui donne des cours d’écriture partout dans le monde, même en France et qui est consultant en scénario. Bref, c’est quelqu’un dont la parole a un certain poids au niveau de l’écriture et qui a donc sorti en 2008 un ouvrage de 574 pages, grand format pour nous expliquer comment devenir un scénariste hors pair, que l’on écrive des romans ou des films ou des séries, bref tant qu’on écrit ça marche.

Et en réfléchissant au moyen de vous parler de l’Anatomie du Scénario, je me suis dit « Hey, John Truby nous vend que si on suit sa méthode, on écrira une bonne histoire ? Et si j’arrivais à transformer une mauvaise histoire pleine de clichés en un super scénario ? » Vous me voyez venir ? Durant les neuf prochaines vidéos, je vais reprendre la base de l’histoire et des personnages de ma vidéo sur les clichés en romance. Pour ceux qui ne l’ont pas vue, je vous invite à y aller maintenant, c’est assez court et à revenir tout de suite après. Sinon, vous n’allez pas tout comprendre.

Mon but est donc de transformer ça en un roman publiable et appréciable. D’ailleurs, on va nommer cette histoire pour que ce soit plus clair entre nous, ce roman se nommera « L’éclosion ». Vous êtes prêts ? Alors on commence aujourd’hui dans cette vidéo avec la première étape de Truby : la prémisse.

Prémisse

Avant toute chose, qu’est-ce que la prémisse ? C’est une phrase qui répond à la simple question : de quoi parle ton histoire ? Elle doit être courte, ne pas utiliser de prénoms, mais des caractéristiques générales et surtout, elle doit évoquer l’histoire dans son ensemble. La prémisse est également la première étape de la méthode flocon de neige que j’avais évoqué dans ma vidéo sur l’écriture d’un scénario que vous pouvez voir juste ici. En gros, la prémisse, c’est la base de votre idée, la graine qui va grandir et donner une histoire organique, quelque chose qui évolue comme un être vivant.

Une prémisse, ça ne se trouve pas en une heure ou même en quelques jours. Il faut prendre le temps de la choisir, car c’est vraiment tout le socle qui va soutenir l’histoire. Pour Truby, notre prémisse doit évoquer l’histoire que l’on aimerait lire ou regarder au cinéma et qui n’existe pas encore.

Bon alors, nous allons donc créer notre prémisse, toujours par rapport à ma vidéo sur les clichés en romance. Je vous rappelle qu’on partait sur Anna qui entre à la fac et tombe amoureuse du beau Julio. Si je devais faire un véritable roman dessus, tout en gardant le nom des personnages et les traits principaux qui les caractérisent, ma prémisse serait : Quand une étudiante timide et mal dans sa peau tombe amoureuse d’un jeune homme solitaire qui la voit telle qu’elle est vraiment, elle décide de reprendre sa vie en main et de s’affirmer aux yeux de ses proches. Je dois bien avouer que ma phrase est un peu longue, mais elle résume bien l’ensemble de mon histoire.

Possibilités

Cette prémisse génère à elle seule certaine promesse aux lecteurs : le fait que la romance est un thème principal, ainsi que le développement personnel. Cependant à ce moment précis de la construction de mon scénario, j’ai toujours la main de ce qui peut se passer dans cette histoire, car cette simple phrase offre un millier de possibilités de développement. C’est là où il est intéressant de se poser la question : « Que se passerait-il si… ? ». Quand on prend le cas de l’éclosion, que se passerait-il si on poussait la recherche d’identité plus loin ? Avec pourquoi pas une situation familiale pour notre héroïne instable, ce qui l’empêcherait d’avoir des bases solides pour évoluer en société. Avec pourquoi la mise en place de jeu psychologique malsain avec un membre de sa famille. Je vous avais rapidement expliqué les jeux psychologiques dans ma vidéo sur les manipulateurs. De plus, que se passerait-il si on mettait face à face la beauté du premier amour et le passage parfois difficile de l’enfance au monde adulte, aussi effrayant que merveilleux ? Voilà quelques possibilités de « L’éclosion ».

Défis et problèmes

Maintenant que nous avons la prémisse et les possibilités de notre histoire, Truby nous dit qu’il est bon de nous arrêter un instant pour identifier les défis et les problèmes qu’elle soulève. Par exemple, le défi que je devrais relever en tant qu’autrice si j’avais envie d’écrire « L’éclosion » serait d’arriver à parler de développement personnel tout en gardant en tête que j’écris un roman. Donc la morale ne doit pas être trop explicite et écrite noir sur blanc dans le roman, mais doit se ressentir par le biais des actions d’Anna. Aussi, j’ai dit dans ma vidéo sur les clichés en romance que l’histoire se passait aux États-Unis. OK, je tiens le pari. Mais cela crée comme problème que j’ancre mon histoire dans un pays qui n’est pas le mien, donc je vais devoir mieux me renseigner pour créer un univers authentique. Identifiez les problèmes ou les défis est aussi important que trouver la prémisse. Cela vous évitera de vous écrouler au bout de quelques pages parce que vous aurez foncé dans un mur sans même vous en rendre compte.

Principe directeur

Bien, nous avons donc une prémisse, les possibilités qu’elle engendre et les problèmes auxquels je vais devoir faire attention. Nous allons donc nous attaquer à la quatrième étape : le principe directeur. Déjà, il faut savoir que toutes les histoires n’en ont pas, mais que selon Truby, toutes les bonnes histoires en ont un. C’est ce qui les rend uniques. Au contraire de la prémisse qui raconte des faits, le principe directeur est abstrait. C’est un point de vue, une manière unique de raconter l’histoire et de l’unifier. Avant de trouver celui de « L’éclosion », je vais vous donner quelques exemples de Truby pour que ce soit plus compréhensible pour vous.

Par exemple, le film « L’Arnaque » dont la prémisse est : Deux petits arnaqueurs dépouillent l’homme riche qui a tué leur ami. Le principe directeur de ce film est : Raconter l’histoire d’une arnaque sous la forme d’une arnaque pour rouler dans la farine l’adversaire et le public.

Autre exemple, le film Tootsie. Sa prémisse est : Un acteur qui ne trouve pas de travail se déguise en femme et décroche un rôle dans une série télé, avant de tomber amoureux de l’une des comédiennes de l’équipe. Son principe directeur est : Forcer un macho à vivre dans la peau d’une femme.

Dernier exemple, celui des Harry Potter en général. La prémisse est : Un garçon découvre qu’il a des pouvoirs magiques et s’inscrit dans une école de sorcier. Pour Truby, le principe directeur est : Un prince magicien apprend à devenir un homme et un roi en passant sept années scolaires dans une école qui forme des sorciers. Ici les mots prince comme roi sont des métaphores de rôle. Quand Harry arrive à Poudlard, il n’est célèbre que de nom, un prince. Quand il en sort, il est un leader qui a vaincu les forces du mal, un roi.

Maintenant que nous avons ces exemples, essayons de trouver le principe directeur de « L’éclosion ». Cela pourrait être : À travers l’éclosion d’une romance entre deux personnes instables émotionnellement parlant, obliger chacun des personnages, ainsi que le public, à adopter un des rôles du jeu psychologique, que ce soit victime, sauveur ou agresseur et les faire passer d’un rôle à l’autre tout au long de l’histoire.

Meilleur personnage

Parfait, nous avons rempli toutes ces étapes, nous pouvons continuer. Et je suis certaine que déjà, la vision que vous aviez d’Anna a pas mal évolué. Pour Truby, la cinquième étape est d’identifier le personnage le plus intéressant de notre histoire. Ici, c’est sans aucun doute Anna dont on va voir la transformation tout au long du roman, ainsi que sa prise de confiance envers la romance qu’elle est en train de vivre et qui elle est vraiment. De plus, elle est intéressante parce qu’on la voit prendre conscience du jeu psychologique dans lequel sa famille l’enferme.

Conflit central

Sixième étape, Truby nous demande de cerner le conflit central. Parce que oui, la grande majorité des histoires ont un conflit. Ce n’est pas forcément le bien contre le mal, votre héros contre un super vilain, mais il y a pratiquement toujours un conflit. Déjà, il faut savoir que pour une romance, le conflit c’est souvent la romance en elle-même. Mais ici, mon second conflit pour « L’éclosion » sera celui d’Anna face à sa famille et aux personnages qui l’empêchent de s’épanouir en tant que personne.

Action principale

La septième étape de toute cette partie sur la prémisse est de trouver la séquence unique de rapport de cause à effet. En gros, quelle est l’action principale qui entraîne toutes les autres. Par exemple, dans le film « Le Parain » l’action principale du héros est de se venger. Pour « L’éclosion », toute l’histoire débute par l’action principale qu’Anna tombe amoureuse de Julio et voit sa vie et sa vision du monde basculer à cause de cet amour.

Transformation

L’étape numéro 8 concerne les possibilités de transformation de notre héroïne. On part d’une faible, psychologique, morale ou les deux pour atteindre une transformation et cela grâce à l’action principale. Déjà, petit point explication. Une faiblesse psychologique ne touche que le personnage lui-même alors qu’une faiblesse morale a des conséquences sur les autres personnages. Maintenant, au niveau de la transformation, elle peut être positive, comme dans le film Toostie où le héros change de comportement envers les femmes, comme négative, comme dans le Parrain où le héros perd toute son humanité. C’est pourquoi Truby nous indique que pour que la transformation soit réussie, il faut que la faiblesse de départ soit l’opposé de l’action principale. Ce qui veut dire que pour que le héros réussisse son action principale, il va devoir se transformer et effacer sa faiblesse de départ.

Reprenons « L’éclosion », l’action principale d’Anna est de tomber amoureuse et de faire grandir cet amour. Sa faiblesse psychologique est donc bien son manque de confiance en elle et son manque d’amour propre, mais on peut aussi citer sa timidité, sa transparence, voir même une certaine forme de résignation sur ses capacités et son avenir. Pour réussir son action principale, Anna va devoir apprendre à s’affirmer, à se faire confiance, à repousser ses limites. Sa transformation est donc celle d’une jeune femme avec une bonne estime d’elle-même, qui s’est créé une place dans la société et qui n’hésite plus à affirmer son amour et qui elle est vraiment.

Choix moral

L’avant-dernière étape de la prémisse est celle du choix moral. John Truby nous dit que le thème de notre histoire est souvent cristallisé par le choix moral que doit effectuer notre héros vers la fin de l’histoire. Bien entendu, à cause de sa transformation, notre héros ne fait pas le même choix à la fin que si on lui avait présenté ce choix au début. Truby nous dit alors que l’erreur de la plupart des auteurs est de proposer un faux choix entre quelque chose de positif et quelque chose de négatif. Un bon choix moral a deux propositions égales, soit toutes les deux positives, soit toutes les deux négatives et au même degré à chaque fois. Le meilleur exemple que je connaisse et que Truby cite justement est le film « Le choix de Sophie » où Sophie doit choisir malgré elle lequel de ses enfants doit mourir. Dans les deux cas, la proposition est négative et aucune n’est mieux ou pire que l’autre. C’est un choix moral parfait en tant qu’auteur.

Pour « L’éclosion », la transformation d’Anna pourrait lui ouvrir de nouvelles opportunités et pourquoi pas un accès vers un job dont elle a toujours rêvé parce qu’elle a enfin le courage de s’affirmer. Sauf que ce post l’oblige à changer d’état et à quitter Julio. Que choisir entre son rêve et l’amour ? Deux propositions positives, égales, mais incompatibles ici.

Réception du public

La dixième et dernière étape de cette première vidéo est de regarder l’ensemble de ce qu’on vient de créer et de se poser une question : est-ce que cela va plaire aux lecteurs ou à un public ? Cela peut paraître futile à ce stade l’écriture, surtout quand on sait que l’on écrit d’abord pour soi-même et pour sa passion. Mais on écrit aussi pour les autres et pour être lu. Dans mon cas, si j’avais vraiment envie d’écrire « L’éclosion », je le pitcherai à plusieurs personnes autour de moi pour savoir ce qu’ils en pensent, s’ils aiment bien l’idée, si cela les intrigue. Si une majorité de personnes ne semble pas intéressée, c’est que potentiellement, je dois retravailler mon histoire quelque part.